DECISION

" AU NOM DE LA REPUBLIQUE "

 

   Le Tribunal du District Judiciaire de Tirana, composé des juges :

 

      AGIM BENDO                             - Président

      MAJLINDA DOGGA                   -Assesseur

      BLEDAR ABDULLAI                  -Assesseur

 

Assistés de la greffière Elona Isufaj, a examiné les 07 décembre 2009 ,18 janvier, 15 février,  29 mars,  26 avril,  24 mai ainsi qu'au 7, 15 et 18 juin 2010, en audience publique l'affaire civile n° 12676/2669 concernant les parties:

 

DEMANDEUR:  Ylli Pango, fils de Vito et d'Aferdita né le 26.03.1952, à Tirana, demeurant à Tirana, au 60/1 rue Ali Visha ; représenté par la procuration spéciale n° 2064 rep 382 kol du 08.09.2009 par l'avocat Bendis Bocari.

 

DEFENDEUR:     “TOP Channel”  Sh.A, n° NIPT-i K12007002U, siégeant à Tirana, Centre International de la Culture, ou rue “Aleksandër Moisiu”, ancien Laboratoire du film à Albafilm dans les locaux de l'ancien Kinostudio, Tirana; représenté par l'avocat Denis Selimi par la procuration spéciale nr 5874 rep 1077 kol du 21.10.2009 ainsi que par son employé Filip Cakuli par la procuration spéciale n° 2115 rep 364 kol du 15.06.2010.

                                                                                

OBJET:               La déclaration du défendeur “Top Channel” SHA comme responsable du dommage subi par le demandeur Ylli Pango, résultant de la publication faite par lui de renseignements inexacts, non véritables et obtenus de manière illégale par la partie défenderesse. L'obligation du défendeur  “Top Channel” SHA à ne pas publier à l'avenir d'articles, interviews ou commentaires à l'égard du demandeur Ylli Pango, lesquels de manière directe ou indirecte peuvent nuire à sa personne. L'obligation du défendeur “Top Channel” SHA à payer au demandeur Ylli Pango  en dédommagement du préjudice causé comme indiqué ci-dessus, d'une valeur de 1.000.000 (un million) d'euros.

 

 

BASE LEGALE: Articles 608, 609, et 625 du Code Civil en lien avec les articles 153,154 du Code de Procédure Civile, les articles 17 et 35 de la Constitution de l'Albanie ainsi que les articles 8, 10 et 41 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

 

 

                           

            A la fin de l'instruction, dans ses conclusions définitives, le demandeur Ylli Pango (sa représentante l'avocate Bendis Bocari) a demandé l'acceptation de la requête. Le défendeur “Top Channel” SHA (son représentant l'avocat Denis Selimi  ainsi que son employé Filip Cakuli) a demandé le rejet de la requête.

 

                   Le Tribunal, après avoir administré les actes et examiné l'affaire en sa totalité,

 

 

                                                 OBSERVE

 

       Par la requête déposée, le demandeur Ylli Pango demande que par voie judiciaire le défendeur “Top Channel” Sh.A soit déclaré responsable du préjudice qu'il lui a été causé résultant de la publication de renseignements inexacts, non véritable et obtenus de manière illégale par la partie défenderesse – préjudice que selon la partie demanderesse atteint la valeur de 1 (un) million d'EUROS et qui doit lui être dédommagée par la partie défenderesse. De même, la partie demanderesse demande également que le défendeur “Top Channel” Sh.A soit obligé par voie judiciaire à ne pas publier à l'avenir d'articles, interviews, ou commentaires à l'égard du demandeur Ylli Pango, lesquels de manière directe ou indirecte peuvent nuire à sa personne. La requête déposée s'appuie sur les articles 608, 609, et 625/a du Code Civil ; sur les articles 17 et 35 de la Constitution ; sur les articles 8, 10 et 41 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ainsi que sur les articles 153,154 du Code de Procédure Civile.

       Plus concrètement, dans sa requête le demandeur Ylli Pango fait part qu'en date du 4 mars 2009 dans l'émission “FIKS FARE”  de 20h15 de la partie défenderesse a été présenté une "vidéo" prise en caméra cachée ; d’où il résulte que "une fille" par l'intermédiaire des employés de “Top Channel” ShA avait rencontré le demandeur Ylli Pango, (à cette période Ministre de la Culture, des Sports et du Tourisme) dans son bureau ; où ce dernier l'avait invitée pour la faire embaucher dans un QJQ, dirigé par sa nièce. Selon cette séquence télévisée, le ministre Pango a échangé quelques coups de fils et sms avec la fille en question pour déterminer l'heure et le lieu précis du rendez-vous au siège du QJQ, où il lui avait été promis d'être embauché. Entretemps, dans une deuxième séquence télévisée de cette même émission de la partie défenderesse a été transmis un message venant du cellulaire de M. Pango (où résulte l'heure 9:15) avec les commentaires des journalistes de cette émission télévisée (c'est-à-dire de « Fiks Fare ») que M. Pango avait invité la fille qui allait être embauchée par lui pour se rencontrer à son domicile personnel. Tandis que par la suite, dans une troisième séquence télévisée de cette même émission a été présentée la fille en question (qui cherchait à être embauchée) qui se trouvait au domicile de M. Pango, en discutant avec M. Pango (à cette période Ministre) au sujet de la possibilité de sa participation aux différents salons, en exploitant pour cela son apparence physique. Selon la partie demanderesse, en se référant à la 'Vidéo' précitée, utilisée et transmise par la partie défenderesse, sont constaté facilement les faits suivants :

 

1.     Une fille qui communique avec M. Pango (à cette période Ministre) du studio  de ‘Top Channel’ SHA et que pour l'établissement du dialogue entre cette fille et le M. Pango étaient intervenus des dirigeants de l'émission “Fiks Fare”, comme cela a été affirmé par les animateurs de l'émission en personne avant l'apparition de cette “Vidéo”.

2.     De l'émission en question ne peut être déterminé et n'a pas même été expliqué que les séquences transmises concernaient des rendez-vous avec deux filles différentes. En aucun cas n'a été expliqué par la partie défenderesse que la ‘Vidéo‘ était un collage de différents enregistrements.

3.     Dans les séquences de la "Vidéo" transmise il y a des enregistrements de la maison d'habitation (domicile personnel) de M. Pango ainsi que de son portrait personnel qui apparait dans les locaux de ce domicile vêtu de vêtements d'intérieurs et de même il y a aussi des enregistrements de son bureau et de son portrait dans son bureau au ministère.

4.     Dans les séquences de la « Vidéo » transmise est apparu à l'écran le texte des messages envoyés par le cellulaire de M. Pango incluant également les détails du message et ont été enregistrés et ensuite apparus avec des "sous-titres" les conversations qu'a passé M. Pango de son cellulaire.

5.     La transmission de la « Vidéo » en question a été également assortie par les animateurs de l'émission en question de "sous-titres" explicatifs de leur part, de leurs commentaires, d'allusion sur d'hypothétiques situations, de montage de films artistiques (comme par exemple du film ‘Komisari i Drites’) et de chansons (Joe Cocker) avec des scènes érotiques et d'interventions au montage ; lesquels, pendant la transmission des séquences ont mal informé le public et ont apporté une perception erronée concernant le prétendu "scandale" du ministre Pango. Plus concrètement, à travers cette "vidéo" il a été présenté au public par les animateurs de l'émission « FIKS FARE » comme si le ministre Pango avait invité la fille en question à son domicile personnel ; un fait totalement faux car il résulte, prouvé, que c'est la fille qui est allée de son propre gré le rencontrer à son domicile.

Selon la partie demanderesse, les faits précités montrent clairement que le défendeur « Top Channel » SHA, dans cette affaire a offert au public une information fausse, exagérée et provoquée par lui ; dont le seul but était le dénigrement du demandeur Ylli Pango en tant qu'individu et ministre. Ces agissements de la partie défenderesse vont à l'encontre de la législation albanaise en vigueur, des articles 17 et 35 de la Constitution de la République d'Albanie ainsi que des articles 8, 10 et 41 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme – en bafouant ouvertement dans cette affaire les droits et les libertés fondamentales de l'homme tel que le droit du domicile, celui familial, de la correspondance et leurs inviolabilité. La partie demanderesse expose que le défendeur “Top Channel” SHA (les animateurs de son émission “Fiks Fare”) avec leurs agissements provocateurs et illégaux a violé gravement sa vie privé et son image en tant qu'individu et ministre.

     Selon la partie demanderesse les enregistrements audiovisuels effectués et transmis par la partie défenderesse ont été réalisés par elle en contradiction ouverte avec la législation albanaise en vigueur et, à son insu et sans son consentement, et de même, ces enregistrements ont été obtenus et enregistrés à travers de provocations répétées et non dans la forme légitime, en transgressant gravement les règles de la déontologie professionnelle et la confiance journalistique et en enfreignant ouvertement le cadre légal en vigueur et le principe de la séparation des pouvoirs, qui détermine comme seule autorité légale le parquet et le tribunal pour de telles affaires.

     Le demandeur Ylli Pango expose que les agissements illégaux précités du défendeur “Top Channel” ShA ont nuit gravement à sa vie privée et à sa réputation, lui causant un préjudice moral en nuisant à son honneur et à sa personnalité ainsi qu'un préjudice subi dans la sphère sociale et dans la jouissance entière de la vie (des plaisirs de la vie). La conséquence de l'atteinte de sa réputation, sa personnalité, son nom, son honneur et son rang dont il jouissait auparavant – le préjudice moral qu'il a subi est apparu dans la forme de la souffrance morale, de la douleur et du trouble psychologique. De même, le demandeur Ylli Pango s'est exprimé au jugement qu'après cet événement ci-dessus cité, il a subi de l'anxiété, de la tristesse et de l'ennui de façon continue. Le demandeur Ylli Pango expose que conséquemment à la transmission de cette ‘Vidéo’ obtenue par la partie défenderesse de façon provoquée et illégale, il a été nuit gravement à sa carrière académique et politique construite par lui avec beaucoup de travail et d'effort et d'une consécration de 35 années (il a été destitué de son poste de ministre; contre lui a été initié une procédure pénale laquelle procédure a été cessée par la suite car les preuves contre lui étaient non véritables); son image en tant que professeur et auteur de livres après cet événement a commencé à se détériorer lourdement, se trouvant attaqué dans les médias par des analystes ou divers politiciens, et il a été tenté même, de la part de certaines personnes par des agissements exagérés, d'aller jusqu'à la suppression de ses titres scientifiques et du droit d'enseigner dans les universités qu'il possédait. Selon la partie demanderesse il est dit que le préjudice total qu'il a subi dans cette affaire atteint la valeur de 1 (un) million d'euros; pour lequel préjudice il demande à être dédommagé au regard des articles 608, 609 en lien avec l'article 625 /a du Code Civil.

Entretemps, le tribunal met en évidence que le défendeur « Top Channel » Sh.A, dans ses conclusions au jugement ait demandé le rejet de la requête en exposant comme suit :

1.     La publication qu'il a faite des agissements de M. Pango est conforme aux faits véritables et que ce n'est pas vrai que la « vidéo » transmise dans son émission « Fiks Fare » ait été manipulée ou fabriquée comme le prétend injustement la partie demanderesse. De même, les présentations que fait la chaine « Top Channel » SHA sont connues publiquement car ce sont des présentations d'une chaine télévisée sérieuse au niveau national et au-delà des frontières.

2.     La liberté des médias et de l'information est un droit non dérogatoire et garanti par la Constitution de la République d'Albanie. L'affaire en jugement, selon la partie défenderesse, concerne l'application en la pratique du droit des médias pour informer le large public et pour réaliser le criticisme nécessaire des politiques et des fonctionnaires aux postes publiques.

3.     Dans l'affaire en question, les agissements de M. Pango (qui ont été enregistrés par le journaliste de “Top Channel” SHA) sont en contradiction avec la morale et pour cette raison le demandeur Ylli Pango ne peut bénéficier de protection sur la base de l'article 8 paragraphe 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Aussi, selon la partie défenderesse sur la base de l'article 8/2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme “la protection de la morale” prend la priorité dans un ordre juridique social, et, en raison du respect de cette priorité, peut également être atteinte et limitée le côté privée de la personne y compris celui du domicile privé que prétend et demande la partie demanderesse au regard de l'article 8/1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

4.     La Convention des Droits de l'Homme, selon la partie défenderesse, garantit “la Liberté de l'Expression” et la “limite” seulement dans des cas expressément déterminés par la loi. Sur ce point de vue légal, comme cité ci-dessus, la partie défenderesse dit qu'elle n'a aucune “limite légale” pour recevoir et donner des informations et que ces informations peuvent aussi être obtenues de sa part dans la “forme d'enregistrements”, comme elle l'a fait dans le cas de M. Pango. En même temps, la partie demanderesse elle-même, sur cet aspect n'a apporté et n'a présenté aucune “limite légale” au sujet de l'obtention et de la distribution de l'information par le biais d'enregistrements par les services des médias; laquelle forme a été utilisée dans son cas par la partie défenderesse.

5.     Su la base de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme les frontières du criticisme envers les politiques sont beaucoup plus étendues que pour les simples gens ; ce qui veut dire que tout politique (comme c'est le cas pour M. Pango) doit mettre sa personne ouvertement devant le jugement profond, de chaque mot et action, des journalistes et du large public et par conséquent doit l'accepter avec de la tolérance.

6.     Selon la partie défenderesse, ses agissements dans cette affaire étaient légaux et que le Parquet albanais durant l'instruction de l'affaire pénale n'a trouvé aucune entorse faite par la partie défenderesse dans la publication de la “vidéo” dans son émission “Fiks Fare”.

7.     Enfin, la partie défenderesse a répliqué au jugement que le préjudice de 1 (un) million euros prétendu par la partie demanderesse n'existe pas en réalité, et de même, la relation de causalité non plus, ni son élément fautif, et pareil, la façon de calculer ce préjudice ne tient pas.

Du jugement déroulé dans cette affaire, du point de vue des faits il résulte, prouvé, comme suit : en date du 4-5 mars 2009 dans l'émission “Fiks Fare”, de 20h15 de la télévision “Top Channel” SHA a été transmis un enregistrement audiovisuel fait en caméra cachée par des journalistes de la télévision “Top Channel”; enregistrement dans lequel étaient reflétés des agissements et des conversations entre une fille et le demandeur Ylli Pango à cette période au poste du Ministre du Tourisme, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports. Des images audiovisuelles, il était mis en évidence le fait qu'une fille qui cherchait à être embauchée au Ministère du Tourisme, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports (que dirigeait le demandeur Ylli Pango), avait pris personnellement contact avec M. Pango dans les locaux de son bureau et par la suite également dans les locaux intérieurs de son domicile personnel. Dans sa maison, selon la vidéo cassette, le ministre Pango demandait à la fille de se déshabiller devant lui en argumentant qu'il fallait la regarder car il la ferait embaucher à l'Agence du Tourisme, où elle participerait à des salons. Sur ces faits, ci-dessus cités, le Parquet de Tirana a enregistré le 14/10/2009 la procédure pénale n° 3724 de l'infraction de “Corruption passive de hauts fonctionnaires d'état ou d'élus locaux” prévu par l'article 260 du Code Pénal, à charge du demandeur Ylli Pango (à cette période Ministre du Tourisme et de la Culture). Des preuves administrées lors de l'instruction par le Parquet du District Judiciaire de Tirana il a résulté, prouvé, du point de vue des faits comme suit: “la déclarante Alma Mukaj avait été embauchée auprès de la rédaction de la télévision “Top Channel” de Tirana au poste du juriste. Au mois de janvier 2009, elle a rencontré le citoyen Filip Cakuli qu'elle connaissait depuis longtemps et lui a demandé de l'aide pour trouver un emploi. Deux jours plus tard, Filip Cakuli a téléphoné à Alma Mukaj pour l'informer qu'au Ministère du Tourisme il y avait une place de juriste vacante. Ainsi, Alma Mukaj a rencontré Filip Cakuli qui, en sa présence, a téléphoné au Ministre d'alors Ylli Pango en lui demandant un rendez-vous pour Alma concernant la place de travail. De la part du Ministre, un rendez-vous a été donné à Alma Mukaj qui s'est rendue au rendez-vous accompagnée du chauffeur de Filip Cakuli. Là, elle a pris rendez-vous avec le Ministre Pango qui s'est informé sur l'éducation scolaire d'Alma et qui lui a donné aussi un rendez-vous au Ministère deux jours plus tard dans le but de la remise des documents. Deux jours après Alma est allée au Ministère du Tourisme et de la Culture et a rencontré de nouveau le Ministre Pango qui après avoir pris connaissance des documents a proposé à Alma la possibilité d'être embauchée dans un Institut géré par sa nièce. Alma a échangé les numéros de téléphone avec le Ministre Pango et a pris rendez-vous le même jour vers 17h00 dans les locaux de l'Institut des Etudes Sociologiques. Après ça elle est rentrée dans les locaux de la télévision "Top-Channel" et a informé Filip qu'on lui avait offert du travail à l'Institut et non pas au Ministère. A 17h00 Alma n'est pas allée à l'Institut des Etudes Sociologiques et a appelée le ministre Pango pour lui dire pourquoi elle n'était pas venue. Elle a informé de cela Filip Cakuli qui lui a fixé un rendez-vous ce même jour à 19h00. Lors de cette rencontre Filip a pris la carte de téléphone d'Alma lui disant que : "ce sera ma responsabilité pour l'utilisation de la carte de téléphone avec une autre personne". Deux jours plus tard, Filip a rendu la carte à Alma et lui a demandé si elle était prête à rencontrer  le Ministre Pango et enregistrer la conversation, ce qu'a refusé Alma. Après deux semaines à compter du moment où 'il avait rendu la carte de téléphone, le citoyen Filip Cakuli a téléphoné à Alma en lui demandant d'aller au Ministère du Tourisme et de la Culture pour remplir les documents. Ainsi, le lendemain Alma s'est rendue au Ministère du Tourisme et de la Culture accompagnée de la journaliste de "Fiks-Fare" dénommée Alkida Budini. Au Ministère, Alkida a donné à Alma un appareil de téléphone avec lequel le citoyen Filip Cakuli lui avait demandé d'enregistrer la conversation avec le Ministre Pango. Après la rencontre avec le ministre Ylli Pango Alma a donné au citoyen Filip Cakuli l'appareil de téléphone avec lequel elle avait enregistré et filmé la rencontre avec l'ex-ministre. Quelques jours plus tard, quand Alma Mukaj était déjà embauchée à la télévision “Top Channel”, Filip Cakuli lui a demandé de sortir pour accompagner Alkida Budini à un déplacement. Ainsi, Alma a accompagné Alkida, et avec le caméraman Gert Hoxha et le chauffeur Roland Dyrmishi, ils se sont rendus à la Cité des Etudiants au domicile personnel du ministre Ylli Pango. Ici, Alkida Budini est entrée au domicile personnel de Ylli Pango tandis qu'Alma, Gerti et Roland l'ont attendue en dehors du domicile à une distance d'environ 100 mètres pendant 15 minutes.

De la déclaration de Denisa Terihati (au poste de directrice adjointe de l'émission "Fiks-fare", il résulte que la réalisation de la caméra cachée avec  le Ministre Pango est initiée par le directeur de l'émission "Fiks-fare" Filip Cakuli. Cela est arrivé car à la rédaction s'était présentée Alma Mukaj qui, selon elle, était allée voir le ministre Pango avec une recommandation d'embauche et le Ministre lui avait donné un rendez-vous après les horaires de travail dans un institut qui se trouvait dans le secteur de l'ancien bloc à Tirana. L'enregistrement des conversations téléphoniques du ministre Ylli Pango a été fait avec la carte de téléphone d'Alma Mukaj; mais à la place de Alma c'est la journaliste Alikda Budini, qui a conversé avec le Ministre Pango étant donné que Alma n'acceptait pas de participer à ce procès organisé par "Fiks-Fare". Selon elle, le comportement du Ministre Pango avait été correct et elle ne voulait plus continuer. Ont été enregistré cinq conversations téléphoniques dont le premier enregistrement le 27/01/09. La journaliste Alkida Budini est allée trois fois au Ministère du Tourisme et de la Culture pour rencontrer le Ministre Pango. Elle a pu rencontrer le Ministre Pango dans son bureau la troisième fois, a échangé les numéros de téléphone et a pris rendez-vous dans l'après-midi dans le but que Alkida remette les documents pour être embauchée. L'après-midi, étant donné qu'elle ne s'est pas présentée au Ministère pour déposer les documents, Alkida lui a téléphoné et s'est montrée prête à lui déposer les documents à la maison. Après cela le ministre Ylli Pango lui a répondu par un message où il lui écrivait de l'appeler quand elle viendrait. Alkida accompagnée de Alma Mukaj, de l'opérateur Gerti Hoxha et du chauffeur Roland Dyrmishi, est allée à la Cité des Etudiants et est entrée au domicile du ministre Pango où la rencontre a été enregistrée telle qu'elle a été diffusée dans l'émission "Fiks-Fare". Donc, c'est justement cela l'événement qui s'est produit du point de vue des faits sur la façon de la réalisation de l'enregistrement audiovisuel en caméra cachée transmis par la suite dans l'émission “Fiks Fare” – qui, comme exposé dans la requête en jugement, a porté préjudice à la partie demanderesse. Le Parquet du District Judiciaire de Tirana, en analysant l'événement précité au point de vue légal, est arrivé à la conclusion que l'enregistrement précité effectué par le défendeur  “Top Channel” SHA sans l'autorisation des autorités de l'état ne constitue pas de preuves dans le sens procédural, puisque cet enregistrement est obtenu de façon cachée et non pas selon les sources prévues par la Loi Procédurale Pénale en vigueur; ce qui rend cet enregistrement au regard des articles 149, 151/4,221,222 et 226 du Code de Procédure Pénale mais aussi sur la base de l'article 32/2 de la Constitution de la République d'Albanie – inutilisable en tant que preuve dans le procès pénal à l'encontre du ministre Ylli Pango. De même, le Parquet du District Judiciaire de Tirana, est arrivé à une autre conclusion à savoir qu'il ne résulte pas comme prouvé que Ylli Pango en qualité de M.T.K.R.S ait exploité de manière abusive sa fonction d'état pour demander de manière directe ou indirecte des profits irréguliers, des agissements sexuels en échange d'accomplissement d'actes ayant un lien avec son poste ou sa fonction. Dans ces conditions, le Parquet a décidé définitivement d'arrêter les poursuites pénales à l'encontre du demandeur Ylli Pango (pour plus de détails voir le contenu de la décision du 03/12/09 du Parquet du District Judiciaire de Tirana “Pour l'arrêt des investigations dans la procédure pénale n° 3724/2008”, versée au dossier judiciaire).

Le tribunal, en analysant les faits et l'événement précités du point de vue légal arrive à la conclusion définitive que dans cette affaire les enregistrements audiovisuels effectués et transmis par la partie défenderesse, de par la façon de leurs obtention et leur offre au public constituent des agissements illégaux et effectués fautivement; lesquels agissements sont estimés par ce tribunal comme ayant nuit gravement à la vie privée et à la réputation du demandeur Ylli Pango en lui causant un préjudice moral concret apparaissant dans le sens de son honneur et de sa personnalité ainsi qu'un préjudice subi dans la sphère sociale et dans l'entière jouissance de la vie (les plaisirs de la vie) – ce qui, au regard de l'article 608 et 609 en lien avec l'article 625/a de notre Code Civil mais aussi au regard de l'article 41 de la Convention des droits de l'Homme établi sans doute la responsabilité juridique civile du défendeur “Top Channel” SH.A pour le dédommagement de ce préjudice. Sur cet aspect, le tribunal met en évidence que dans l'article 608 du Code Civil est sanctionné expressément comme suit: “La personne qui, de façon illégale et fautivement, cause à une autre un préjudice sur sa personne ... est obligée de dédommager le préjudice causé. Le préjudice est considéré comme illégal quand il découle d'une infraction ou atteinte des intérêts et des droits de l'autre qui sont protégés par l'ordre juridique ou les bons coutumes”. Plus loin, dans l'article 609 du Code Civil est précisé expressément que: “Le préjudice doit être une suite directe et immédiate de l'action ou de la non action de la personne”. Tandis que dans l'article 625/a du Code Civil est sanctionné expressément comme suit: “La personne qui subit un préjudice, autre que celui patrimonial, a le droit de demandé réparation quand ... elle a été atteinte sur son honneur et sa personnalité”. De même, le tribunal met en évidence que dans l'article 41 de la Convention Européenne des droits de l'Homme est sanctionné expressément comme suit: “ Quand le tribunal constate une infraction de la convention ou de ses protocoles, et que le droit intérieur de la Partie Haute Contractante ne rend possible qu'une réparation partielle des dommages subis par cette infraction, le tribunal, quand c'est nécessaire, accorde une réparation juste à la partie sinistrée” Justement, au point de vue de ces dispositions légales précitées du Code Civil “Sur la responsabilité dans le préjudice extra contractuel causé” ainsi qu'au point de vue des principes de la Théorie du Droit Civil “Pour la responsabilité juridique civile dans le préjudice causé et la réparation de ce préjudice” – le tribunal forge sa conviction intérieure que dans l'affaire en jugement il ressort clairement la responsabilité juridique civile du défendeur “Top Channel” ShA dans le préjudice qu'il a causé au demandeur Ylli Pango dans les circonstances décrites plus haut. Le tribunal conclue que le défendeur “Top Channel” Sh.A dans l'affaire en question a consumé tous les éléments constitutifs de cette responsabilité juridique civile comme:

1) L'illégalité des actions du causeur du préjudice; 2) Le préjudice causé; 3) La faute du causeur du préjudice et 4) Le lien de causalité (cause-conséquence) entre les actions illégales du causeur du préjudice et la conséquence résultant de ces actions (le préjudice causé). Mais prenons et analysons plus en détails où consiste concrètement la consumation par la partie défenderesse (“Top Channel” SHA) des éléments précités de sa responsabilité juridique dans le préjudice qu'elle a causé au demandeur Ylli Pango:

I – Concernant le premier élément de ‘la responsabilité juridico-civile'  au sujet de l'illégalité des actions du causeur du préjudice – le tribunal met en évidence qu'il est entièrement prouvé dans ce jugement que les actions du défendeur “Top Channel” ShA dans cette affaire sont caractérisées par leur illégalité comme suit :

Premièrement : Le tribunal attire l'attention que par le biais de la transmission de l'enregistrement audiovisuel effectué en caméra cachée par l'émission “Fiks Fare”  du défendeur “Top Channel” Sh.A ont été bafoués de façon ouverte “les Droits et les Libertés Fondamentales de l'Homme”; lesquels droits, sont protégés de façon exprimés par les articles 8 et 10 de la Convention Européenne des droits de l'Homme, concrétisés et sanctionnés également par les articles 15, 17, 35, 36, 37 et 41 de la Constitution de la République d'Albanie; lesquels droits, trouvent également une protection particulière dans les articles 608 et 609 en lien avec l'article 625/a du Code Civil. Plus concrètement, le tribunal met en évidence que dans l'article 8 de la Convention Européenne des droits de l'Homme il est sanctionné comme suit: “Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance”. Tandis que dans l'article 15 de la Constitution de la République d'Albanie il est sanctionné que: “les Droits et les Libertés Fondamentales de l'Homme sont ... inviolables et demeurent le fondement de l'intégralité de l'ordre juridique”. Tandis que dans l'article 17 de la Constitution de la République d'Albanie il est sanctionné comme suit: “des limites des droits et des libertés prévus dans cette Constitution peuvent être instaurées que par la loi ... et que ces limites ne peuvent porter atteinte à l'essence des libertés et des droits et en aucun cas ne peuvent dépasser les limites prévues dans la Convention Européenne des droits de l'Homme”. De même dans l'article 36 de la Constitution de la République d'Albanie il est sanctionné comme suit: “la Liberté et le secret de la correspondance ou de tout autre moyen de communication sont garantis”. Egalement, dans l'article 37 de cette Constitution il est sanctionné expressément comme suit: “l'inviolabilité du domicile est garantie”. De plus, il est mis en évidence que dans l'article 41 de la Constitution de la République d'Albanie il est sanctionné comme suit: “le droit de la propriété privée est garanti”. En conclusion, le tribunal en analysant l'aspect du respect de ces principes, des droits et des libertés fondamentales de l'homme cités plus haut, constate que dans l'affaire en jugement le défendeur “Top Channel” SH.A a bafoué de façon ouverte les droits et les libertés fondamentales de l'homme et concrètement ceux qui concernent le respect du côté privé personnel et familial du demandeur Ylli Pango, l'inviolabilité du domicile et de sa propriété privée ainsi que de sa correspondance – lesquels droits et libertés fondamentales – sont protégés de façon particulière par les dispositions légales et constitutionnelles citées plus haut dans cette décision. Aussi, par exemple dans les séquences de la “vidéo” transmise par la partie défenderesse (qui ont été analysés du point de vue procédural par le tribunal pendant ce jugement) il est constaté qu'il y a des enregistrements des locaux intérieurs du domicile privé du demandeur Ylli Pango; locaux dans lesquels, son portrait personnel (du demandeur Ylli Pango) apparait vêtu d'habits d'intérieur et de même, il est constaté qu'il y aussi des enregistrements de son bureau et de son portrait au ministère, là où il travaillait. De même, dans les séquences de la “vidéo” transmise il est constaté qu'apparait à l'écran le texte des messages envoyés du cellulaire du demandeur Ylli Pango, y compris ici des détails et des renseignements du message, et sont également enregistrés et présentés avec des “sous-titres” les conversations que le demandeur Ylli Pango a effectué de son cellulaire.

Le défendeur “Top Channel” SH.A a prétendu pendant ce jugement que les agissements du demandeur Ylli Pango (enregistrés par son journaliste) sont en contradiction avec “la morale” et que pour cette raison le demandeur Ylli Pango ne peut bénéficier de protection juridique sur la base de l'article 8 paragraphe 2 de la Convention Européenne des droits de l'Homme. Donc, selon la partie défenderesse sur la base de l'article 8 paragraphe 2 de la Convention Européenne des droits de l'Homme “la protection de la morale” prend la priorité dans un ordre juridique social; ce qui veut dire, qu'en raison du respect de ce principe peut aussi être atteint et limité le côté privé de la personne, y compris celui du domicile privé que prétend et réclame le demandeur Ylli Pango au regard de l'article 8/1 de la Convention Européenne des droits de l'Homme. Le tribunal rejette cette prétention, ci-dessus citée, du défendeur “Top Channel” SHA comme non basée sur des preuves et sur la loi comme suit: 1) Le tribunal met en évidence que dans cette affaire le défendeur “Top Channel” SHA aurait du effectuer ses actions pour l'obtention et la transmission de l'information concernant le demandeur Ylli Pango conformément à la loi, comme il est stipulé expressément pour de tels cas dans l'article 23/2 de la Constitution de la République d'Albanie – ce qui veut dire que la partie défenderesse était obligée de respecter rigoureusement les droits et le libertés fondamentales de l'homme qui, selon l'article 15/1 de la Constitution de la République d'Albanie, sont inviolables. En fait, comme il a été dit plus haut, la partie défenderesse a porter atteinte à ces droits et ces libertés fondamentales dans le cas du demandeur Ylli Pango, en instaurant ainsi de facto, ‘des limites’ de ces droits et libertés comme celui du respect du côté privé personnel et familial du demandeur Ylli Pango, de l'inviolabilité de son domicile et de sa propriété privés et de la même façon de sa correspondance. Or, le tribunal met en évidence que ces ‘limites’ des droits et libertés fondamentales selon l'article 8/2 de la Convention Européenne des droits de l'Homme et selon l'article 17 de la Constitution de la République d'Albanie ne peuvent être instaurées que par la loi et en aucun cas ne peuvent porter atteinte à l'essence de ces droits et libertés fondamentales. 2) Le tribunal estime que le fait que “les limites des droits et des libertés ne peuvent être instaurées que par la loi” veut dire que dans cette même forme (donc seulement par la loi) sera instaurée la limite de ces droits et dans le cas ou elle est indispensable pour “la protection de la morale” (cette dernière comme nous l'avons dit est prétendue au jugement par la partie défenderesse) – ce qui veut dire que, et notre Constitution et la Convention Européenne des droits de l'Homme en aucun cas n'ont laissé l'instauration de ces limites à la compétence des sujets qui sont obligées de respecter ces droits; donc, cela veut dire que la société “Top Channel” SHA non plus ne peut avoir un tel droit pour instaurer des “limites” ou porter “atteinte” aux droits et libertés fondamentales de l'homme, lesquels selon l'article 15 et suivants de la Constitution de la République d'Albanie et de la Convention Européenne des droits de l'Homme sont inviolables. Si on acceptait le contraire c'est-à-dire que la “limite” des droits fondamentaux soit la compétence et l'estimation du cas par cas du sujet qui a l'obligation légale de respecter et de ne pas porter atteinte à ces droits et libertés fondamentales de l'homme - alors – dans ces circonstances on aurait ouvert la voie à l'arbitraire, et chaque personne aurait été incertaine dans sa vie quotidienne privée et sociale. A partir de cette situation comme ci-dessus citée, le tribunal conclue en définitive que le défendeur “Top Channel” Sh.A ne peut par ces actions au nom de l'exercice du droit de l'information “limiter” ou porter “atteinte” de façon arbitraire aux droits et libertés fondamentales de l'individu prévus à l'article 8 et 10 de la Convention Européenne des droits de l'Homme et concrétisés dans les articles précités de la Constitution de la République d'Albanie. Dans cette conclusion ci-dessus citée, le tribunal est arrivé entre autres en tenant compte aussi de la pratique judiciaire du tribunal de Strasbourg; où parmi les affaires jugées on peut citer les affaires comme suit:

  -  Dans l'affaire Pfeifer k.Austrise (no.12556/03, S35, ECHR 2007) a été constaté que l'article 10 de la Convention ne garantit pas un droit illimité, même dans les cas où l'information peut avoir de l'intérêt pour le large public. Dans le cas présent, quand le but principal est l'attaque contre la réputation des personnes les garanties de l'article 8 de la Convention (le droit à la vie privé et à la réputation) prennent la priorité.

        - Dans l'affaire Scharsach and Neës Verlagsgesellschaft v.Austria (no.39394/98) le tribunal en se référant à sa pratique concernant l'article 10 de la Convention, relate que les médias jouent un rôle important dans une société démocratique. Toutefois, les médias ne doivent pas dépasser certaines limites, en particulier si celles-là concernent la réputation et les droits des individus. Les médias doivent distribuer de l'information conformément à leurs droits et à leurs obligations; laquelle information, inclue seulement des affaires à large intérêt public.

      - Dans l'affaire Van Hanover k. Germany le tribunal de Strasbourg dit que la liberté de l'expression exige une interprétation plus étroite. A ce sujet le tribunal se réfère à la Résolution de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe pour  “ Le Droit à la Vie Privée” qui expose que “L'interprétation unilatérale du droit de la liberté d'expression” par certaines médias, ne peut justifier la violation des droits protégés par l'article 8 de la Convention, sur la justification que les lecteurs “ont le droit de tout savoir au sujet des figures publiques”.

Deuxièmement : De ce jugement il a été entièrement prouvé que les enregistrements audiovisuels (transmis par la suite dans l'émission ‘Fiks Fare’) ont été effectués par les journalistes de la partie défenderesse de façon cachée et sans le consentement du demandeur Ylli Pango, bien qu'ils présentent une information très personnelle et privée concernant le demandeur Ylli Pango (plus concrètement, dans les séquences de la “vidéo”, entre autres sont donné des enregistrements du domicile privé du demandeur Ylli Pango où il apparait personnellement en habits d'intérieur). Justement, cette manière de l'obtention et de l'enregistrement de l'information par la partie défenderesse à l'endroit de la personne c'est-à-dire du demandeur Ylli Pango et du côté privé de ce dernier (qui plus est, était également une figure publique) il est constaté qu'elle est ouvertement en contradiction avec l'article 23 et 35/2 de la Constitution de la République d'Albanie et de même avec la Convention Européenne des droits de l'Homme - lesquels actes légaux, exigent nécessairement la connaissance et le consentement par la personne qui est enregistrée pour de tels cas et surtout quand cet enregistrement est fait pour recueillir l'information qui concerne sa vie privé. Sur cet aspect, ce tribunal tient compte aussi de la pratique judiciaire du tribunal de Strasbourg. Ainsi, par exemple dans l'affaire Van Hanover k. Germany le tribunal de Strasbourg a exposé entre autres qu'il ne faut pas laissé de côté la manière de la prise des photos, si le sinistré était au courant et s'il avait donné son consentement pour qu'elles soient prises. Le tribunal de Strasbourg dans ce jugement a étendu sa position en expliquant que la publication des photos est une action qui entre dans un domaine dans lequel la protection et la réputation de l'individu ont une importance particulière. Plus loin, le tribunal de Strasbourg souligne que l'affaire en question n'a pas de lien avec la distribution des ‘idées’ mais avec la distribution des images personnelles et intimes autour d'un individu.

A part cela, le tribunal met en évidence que la prise par la partie défenderesse des enregistrements audiovisuels de façon cachée et sans le consentement du demandeur Ylli Pango est ouvertement en contradiction également avec les articles 149, 151/4, 221, 222 et 226 du Code de Procédure Pénale et avec l'article 32/2 de la Constitution de la République d'Albanie. –fait qui – il est constaté, a obligé le Parquet du District Judiciaire de Tirana de ne pas considérer comme preuves les enregistrements précités audiovisuels de la partie défenderesse, car ces enregistrements ont été effectués de façon cachée et non pas selon les sources prévues par la loi procédurale en vigueur.  Dans ces conditions, en observant la façon, comme ci-dessus citée, illégale de la prise de ces enregistrements audiovisuels ainsi que le non estimation en tant que preuve pour la même raison par le Parquet – alors – dans ces conditions, le tribunal ne forge pas non plus une conviction intérieure juridique sur l'authenticité de ces enregistrements transmis par la suite dans l'émission ‘Fiks Fare’ de la partie défenderesse.

II – Concernant le deuxième élément de ‘la responsabilité juridique civile’ telle que l'existence du préjudice subi, le tribunal constate que les agissements illégaux comme précité du défendeur Top Channel” SHA dans la prise et la distribution de l'information à l'encontre du demandeur Ylli Pango à l'encontre de sa personne et de sa vie privée ont fait que ce dernier subisse un préjudice concret moral, qui consiste à l'atteinte de son honneur et de sa personnalité et comme un dommage subi dans la sphère sociale et dans celle de l'entière jouissance de la vie (des plaisirs de la vie). Il résulte que ce préjudice lui soit causé dans la forme de la souffrance physique, la douleur et le trouble psychologique. Après cet événement il a été destitué de sa fonction de ministre en subissant des anxiétés, de la tristesse et de l'ennui de manière continue. Suivant la présentation de cette “vidéo” obtenue de façon illégale de la part de la partie défenderesse et transmise dans l'émission télévisée “Fiks Fare” par cette dernière – à lui, c'est-à-dire au demandeur Ylli Pango il lui a été détruit la carrière académique et politique construite par lui avec un travail de 35 ans. L'événement, comme ci-dessus cité, a eu également pour résultat l'ouverture d'une procédure pénale, bien que cette procédure pénale fût cessée par la suite. (Le Parquet n'a constaté aucun élément de la responsabilité pénale du demandeur Ylli Pango pour les raisons qui ont été traitée plus haut dans ce raisonnement de décision – plus en détails voir le contenu de la décision de cessation du Parquet en date du 03/12/09). Cette procédure pénale comme ci-dessus citée a été beaucoup vécue de la part du demandeur Ylli Pango. Egalement, le tribunal constate que le préjudice qu'a subi le demandeur Ylli Pango consiste aussi sur l'autre fait, à savoir que son image de professeur et auteur de livres après cet événement a lourdement été bafouée, en étant attaqué dans les médias par divers analystes et politiciens et il a été même tenté par certaines personnes et organismes avec leur actions jusqu'à la suppression des titres scientifiques et du droit d'enseigner à l'université qu'il possédait.

Dans l'affaire en jugement, le tribunal estime qu'il a sa conviction intérieure que le préjudice qu'a subi le demandeur Ylli Pango par les agissements de la partie défenderesse atteint la valeur de 400.000 Euros. Dans cette conviction intérieure juridique sur l'estimation et la mesure du préjudice précité, ce tribunal tient compte de la pratique judiciaire jusqu'à ce jour dans notre pays; pratique judiciaire qui, en l'absence de tableaux et statistiques sur les marges minimales et maximales du dédommagement du préjudice non patrimonial, au cas par cas a laissé à l'estimation du tribunal la détermination de la mesure du préjudice, en fonction des circonstances de l'affaire. Par conséquent, ce tribunal met en évidence que pour l'estimation et la détermination de la mesure du préjudice qui doit être dédommagé au demandeur Ylli Pango, il a tenu compte des circonstances comme suit:

- Le tribunal a pris en compte le principe du dédommagement entier du préjudice non patrimonial c'est-à-dire celui de la valeur égale du dommage qui veut dire que ce dédommagement de préjudice dans cette affaire doit viser le retour à l'état antérieur de la personne sinistré; donc, à un état similaire comme si ce préjudice n'avait jamais été commis. Il a également été pris en compte le principe du dédommagement juste et objectif ainsi que l'autre principe celui du dédommagement cohérent, (définitif ou pas) qui sous-entend le dédommagement du préjudice de manière entière et immédiate et en argent pour le retour à l'état antérieur de la personne sinistrée.

- Le tribunal estime que pour la détermination de la mesure du dédommagement par le tribunal, dans cette affaire, doit être effectuée principalement la fonction de compensation et de satisfaction de la personne sinistrée; car, une telle fonction est estimée par le tribunal étant en totale conformité avec les normes de notre Droit Civil.

- Le tribunal a pris en compte l'importance du fait illégal attesté pendant ce jugement; ce qui veut dire, que plus le fait civil est lourd plus le dédommagement du préjudice sera important. Dans l'affaire en jugement, le tribunal estime le fait civil comme étant assez important; ce qui, du point de vue légal augmente la valeur du dédommagement à l'égard de la personne sinistrée, c'est-à-dire du demandeur Ylli Pango.

- Dans l'affaire en jugement, le tribunal prend également en compte la faute de la partie défenderesse ainsi que la forme de cette faute; où, il est constaté qu'entre autres, ces agissements de la partie défenderesse ont été commis de sa part et par le biais de provocations et dans la défiance du demandeur Ylli Pango.

- Le tribunal dans la détermination de la mesure du dédommagement tient compte de la souffrance morale et psychologique qu'a subie le demandeur Ylli Pango par l'événement en question.

- De même, le tribunal pour la détermination de la mesure du dédommagement tient compte aussi des qualités de la personne sinistrée c'est-à-dire du demandeur Ylli Pango. Il était, au moment des faits en question un politicien de carrière, ministre, député, académicien et professeur à l'université depuis de nombreuses années et avait une série de travaux et titres scientifiques, qui ont été versés pendant ce jugement. Ces qualités, comme ci-dessus citées du demandeur Ylli Pango sont jugées par le tribunal comme des éléments qui déterminent dans cette affaire l'augmentation de la mesure du dédommagement du préjudice à son encontre.

- A part cela, le tribunal, pour la détermination de la mesure du dédommagement à l'encontre du demandeur Ylli Pango tient compte aussi de la manière de la commission de ce préjudice ainsi que le moyen utilisé. Le moyen utilisé influence la détermination de la mesure du dédommagement du préjudice, surtout dans l'affaire en jugement quand il s'agit d'un préjudice qui a été fait au demandeur Ylli Pango dans sa personnalité et son honneur. Dans l'affaire en jugement il est constaté que le préjudice en question a été causé au demandeur Ylli Pango par un moyen tel que la télévision et qui plus est, d'une chaine télévisée très étendue à l'intérieur et à l'extérieur du pays telle que la chaine télévisée “Top Channel” SHA; télévision qui, à part la grande étendue sur le territoire a aussi la plus grande audience dans le public en comparaison avec toutes les autres chaines télévisées; ce qui augmente sensiblement dans cette affaire la mesure du dédommagement envers la personne sinistrée, le demandeur Ylli Pango.

- III –Concernant le troisième élément de ‘la responsabilité juridique civile’, celui de la culpabilité du causeur du préjudice – le tribunal constate et a la conviction intérieure juridique que les agissements illégaux du défendeur “Top Channel” SHA analysés comme ci-dessus cités dans ce jugement du point de vue subjectif  ont été commis “fautivement” et que c'est aussi de sa “faute” qu'arrive la conséquence afférente c'est-à-dire le préjudice à hauteur de 400.000 Euros qui a été causé au demandeur Ylli Pango. Dans cette affaire, le tribunal constate la culpabilité du défendeur “Top Channel” Sh.A dans le fait qu'il est présumé d'un point de vue légal que ce défendeur comme tous les autres sujets du droit civil (que ce soit des personnes morales ou physiques) est au courant du contenu de la Législation Albanaise en vigueur et de la Convention Européenne des Droits de l'Homme analysés plus haut dans le raisonnement de ce jugement; ce qui veut dire, qu'ils étaient obligés de respecter de manière rigoureuse cette Législation et de ne leur pas "porter atteinte" ni les "bafoués". Le tribunal estime que  “l'ignorance” de la loi en vigueur ne décharge aucun sujet (y compris le défendeur “Top Channel” SHA) de la responsabilité juridique civile pour le dédommagement du préjudice dans les cas où la loi en vigueur a été transgressée par les sujets et que suite à ces transgressions des tiers aient subi des préjudices. A part cela, il est entièrement prouvé au jugement que les enregistrements audiovisuels précités de la partie défenderesse ont été réalisés à travers ses “provocations” et “non de bonne foi”; ce qui rend encore plus présente la culpabilité de la partie défenderesse et sa responsabilité juridique civile pour le préjudice qu'a subi le demandeur Ylli Pango. Le tribunal estime qu'en faisant les enregistrements audiovisuels à travers d'agissements provocateurs de la partie défenderesse - alors - l'affaire en question traitée dans l'émission ‘Fiks Fare’ de la partie défenderesse ne concerne plus la distribution des ‘idées’ ou d'un ‘phénomène inquiétant’, mais concerne la distribution des images très personnelles et intimes autour d'un individu et concrètement dans l'affaire en jugement la vie personnelle, familiale et privée du demandeur Ylli Pango en tant qu'individu. Donc, comme on le voit, dans ce dossier, l'affaire a été personnalisée de manière subjective et provocatrice par la partie défenderesse. La personnalisation comme ci-dessus citée de l'affaire par la partie défenderesse de manière subjective et provocatrice forge la conviction intérieure de ce tribunal que le défendeur “Top Channel” SHA du point de vue de la conscience et de la gravité de l'infraction était entièrement conscient du préjudice que pouvait subir le demandeur Ylli Pango par ses agissements illégaux, comme cela s'est produit dans les faits. Le tribunal met en évidence que les agissements provocateurs du défendeur “Top Channel” SHA dans l'événement en question ont clairement été établis également pendant l'instruction de l'affaire pénale de cet événement par le Parquet; Organe qui, à la fin de l'instruction, a décidé ‘la cessation de l'affaire pénale’. Ainsi, dans la décision de cessation du 03/12/09 du Parquet il est souligné entre autres que l'enregistrement audiovisuel concernant le demandeur Ylli Pango (à cette période ministre) est initié par le directeur de l'émission Filip Cakuli; initialement il a été tenté à travers la dénommée Alma Mukaj mais par la suite celle-ci s'est retirée, l'enregistrement se faisant par la journaliste  Alkida Budini, cette dernière a conversé avec le demandeur Ylli Pango avec la carte de téléphone de Alma Mukaj. Il résulte de l'instruction de l'affaire pénale auprès du Parquet que ce qui est dit plus haut est arrivé parce que : “Alma n'acceptait pas de participer dans ce procès organisé par “Fiks Fare” et que selon elle l'attitude du ministre était correcte et qu'elle ne voulait plus continuer”. Le tribunal estime que ce fait, souligné plus haut, montre clairement les agissements provocateurs insistants envers le demandeur Ylli Pango. De même, les agissements provocateurs de la partie défenderesse sont observés par ce tribunal aussi dans “l'insistance” qu'a manifestée la partie défenderesse pour aller au domicile privé du demandeur Ylli Pango et pour l'enregistrer là, en cachette et sans qu'il le sache. Ces attitudes subjectives et provocatrices du défendeur “Top Channel” Sh.A envers le demandeur Ylli Pango, entre autres, deviennent crédibles pour ce tribunal en tenant compte du “conflit” qui a existé pendant longtemps entre ces deux parties, conséquemment à la demande faite par le demandeur Ylli Pango en qualité du Ministre du Tourisme et de la Culture à “Top Channel” Sh.A pour la libération par cette dernière des locaux du Centre International de la Culture “Arbnori”; lesquels locaux, étaient pris en location par elle (pour plus de détails voir la correspondance afférente de près de 2 années entre ces deux parties pour cette affaire).

IV –Enfin concernant le quatrième élément de “la responsabilité juridique civile”, tel que le “lien de causalité” (cause-conséquence) – le tribunal a la conviction intérieure juridique que dans cette affaire le préjudice d'une valeur de 400.000 Euros (qu'a subi le demandeur Ylli Pango) est